Comme au printemps 2020, l’augmentation du nombre de cas de coronavirus a incité plusieurs pays de l’UE à fermer partiellement leurs frontières intérieures. Ont-ils le droit de le faire? Nous regardons de plus près.

Qu’est-ce que Schengen ?

Créé en 1995, l’espace Schengen offre aujourd’hui la libre circulation des personnes à travers les 26 Etats membres des accords, dont 22 font partie de l’UE. Environ 3,5 millions de personnes traversent chaque jour une frontière nationale pour se rendre au travail. Depuis la crise migratoire de 2015, certains Etats membres ont choisi de renforcer les contrôles à la frontière, ce qui a été condamné par le Parlement européen.

Le Code frontières Schengen établit la différence entre les frontières intérieures et extérieures. Les frontières intérieures sont définies comme :

  • Frontières terrestres communes des États schengen;
  • Aéroports des États membres pour les vols intérieurs;
  • Ports maritimes, fluviaux et lacustres des États membres pour les liaisons régulières par ferry.

Alors que les frontières extérieures peuvent encore faire l’objet de contrôles (Schengen renforce en fait le contrôle des frontières extérieures), l’accord abolit les contrôles permanents ou systématiques aux frontières intérieures.

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L’article 22 du Code frontières Schengen (CFS) établit que « Les frontières intérieures peuvent être franchies en tout lieu sans que des vérifications aux frontières soient effectuées sur les personnes, quelle que soit leur nationalité.». Toutefois, les membres de l’accord de Schengen peuvent fermer leurs frontières extérieures en tant qu’un seul.

Quand est-ce que les frontières intérieures peuvent être fermées?

L’article 23 du CFS énonce que la police nationale peut encore exercer ses fonctions tant qu’elle ne contrôle pas les frontières et qu’elle n’est pas systématique. Un État membre peut toutefois légiférer pour imposer aux personnes qui entrent sur le territoire d’être en possession d’un document ou d’un document.

L’article 22 de la Convention mettant en œuvre l’accord de Schengen permet à un pays membre de légiférer sur l’obligation pour un ressortissant d’un pays tiers de déclarer sa présence sur le territoire.

Plus important encore, l’article 25 du CFS stipule que pour une durée limitée et en dernier recours, les États peuvent décider de réintroduire des contrôles aux frontières à tout ou partie de leurs frontières intérieures.

Cela peut être fait s’il existe une menace pour les politiques publiques ou la sécurité intérieure de l’État membre, qui peut être interprétée comme des menaces à la santé publique causées par une pandémie.

Conditions

Les contrôles aux frontières intérieures nouvellement introduits doivent être exceptionnels, limités à 30 jours ou pour la durée prévisible de la menace grave et jusqu’à six mois, ou jusqu’à un maximum de deux ans dans des circonstances très exceptionnelles.

Pour éviter une violation du droit à la libre circulation des citoyens des États membres de Schengen, la portée et la durée des contrôles temporaires aux frontières doivent être proportionnelles à la menace. S’il n’est pas strictement nécessaire de lutter contre une menace grave, les contrôles aux frontières doivent être levés.

Lorsqu’un État souhaite introduire des contrôles aux frontières, il doit en informer la Commission européenne et d’autres États membres au moins quatre semaines à l’avance. La Commission peut émettre un avis s’il s’inquiète de la proportionnalité ou de la néccésité des mesures.

Qui peut décider?

Récemment, l’Allemagne, l’Autriche et la Belgique ont décidé de fermer leurs frontières dans le but de réduire le nombre d’infections au Covid-19, en particulier celles qui sont porteuses d’une mutation virale qui ont un taux d’infection plus élevé.

L’UE dispose d’une compétence limitée en ce qui concerne les crises sanitaires telles que la pandémie en cours. Le Parlement européen et la Commission peuvent «adopter des mesures d’encouragement visant à protéger et à améliorer la santé humaine, et notamment à lutter contre les grands fléaux transfrontières, des mesures concernant la surveillance des menaces transfrontières graves sur la santé, l’alerte en cas de telles menaces et la lutte contre celles-ci », selon l’article 168 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

La Commission a formulé certaines recommandations, que le Conseil – représentant les États membres – a approuvées. Toutefois, juridiquement parlant, il repose sur les États de fermer les frontières s’ils jugent la mesure nécessaire.

Carte des risques

Fin janvier, les 27 Etats membres ont convenu d’élaborer une nouvelle carte des zones à risque. Cette carte est gérée par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies. Sur la carte, ce sont les zones rouge foncé qui ont le plus de cas (plus de 500 infections pour 100 000 habitants). Bien que les mesures individuelles en place diffèrent d’un pays de l’UE à l’autre, les États membres peuvent imposer aux voyageurs en provenance de ces régions un test négatif et une période de quarantaine minimale.

La Commission a proposé de réduire en grande partie les voyages en non-essentiels, mais de s’abstenir d’interdire totalement les voyages, dans la mesure du possible. Toutefois, certains États membres sont allés au-delà de la recommandation. Au Portugal et en Belgique, tous les voyages non essentiels à l’étranger sont actuellement interdits. L’Allemagne a réduit le trafic aérien avec une liste des États les plus touchés et a interdit aux voyageurs en provenance de Tchéquie et de certaines parties de l’Autriche.

Que d’autre peut faire l’UE?

La Commission a confirmé que l’UE peut adopter une législation sur la santé en vertu de l’article 168 du TFUE et l’a fait dans quelques secteurs, notamment :

  • Droits des patients dans les soins de santé transfrontaliers
  • Dispositifs médicaux et produits pharmaceutiques
  • Menaces transfrontalières pour la santé

En vertu du traité de l’UE, la Commission ne peut faire des recommandations aux États membres qu’en matière de santé publique. Ceux-ci ne sont pas contraignants. En d’autres termes: les États membres peuvent choisir de les ignorer s’ils estiment que c’est dans leur intérêt.

Le 11 novembre 2020, la Commission et le Parlement européen ont proposé un règlement en réponse aux graves menaces transfrontalières pour la santé.

Bien que la politique sanitaire actuelle de l’UE permette un certain nombre de mesures conjointes telles que la coordination et le développement, le stockage et l’achat de médicaments, de vaccins, les États membres demeurent les décideurs ultimes en matière de santé.

Auteur: Hélorie Duval

 

Lien externe : Contrôle des frontières Schengen