Il s’agissait d’envoyer un signal fort indiquant que l’UE et ses partenaires occidentaux sont prêts à défendre les droits de l’homme.

Lundi, le Conseil de l’Union européenne – qui représente les intérêts des 27 États membres de l’UE – a adopté des mesures dites restrictives à l’encontre de diverses personnes originaires de Corée du Nord, de Libye, de Russie et du Sud-Soudan. Et, pour la première fois, des fonctionnaires chinois ont également été visés par des sanctions.

Ces mesures, qui s’inscrivent dans le cadre du mécanisme global de sanctions de l’UE en matière de droits de l’homme adopté en décembre dernier, comprennent une interdiction de voyager et un gel des avoirs pour les personnes concernées, ainsi que l’impossibilité de recevoir des fonds de toute entité ou personne dans l’UE. Ce mécanisme permet à l’UE de prendre des mesures conjointes concernant des pays tiers considérés comme de graves violateurs des droits de l’homme.

“Surveillance, détention et endoctrinement”

Quatre personnes ont été nommées par l’UE pour leur rôle dans la persécution continue de dizaines de milliers de membres de la communauté ouïghoure dans la province chinoise du Xinjiang. Depuis des années, la Chine est accusée de détenir arbitrairement des Ouïghours de manière flagrante et à grande échelle et de les parquer dans des camps de travail forcé.

Parmi les quatre personnes citées dans le Journal officiel de l’UE figure Zhu Hailun, que Bruxelles considère comme l’architecte d’un programme de “surveillance, de détention et d’endoctrinement à grande échelle” visant les Ouïghours et les personnes issues d’autres minorités ethniques musulmanes. Wang Junzheng, Wang Mingshan et Chen Mingguo ont également été nommés. Ces trois personnes sont de hauts responsables du Parti communiste dans la province du Xinjiang.

Simultanément, plusieurs pays non membres de l’UE ont adopté des mesures restrictives similaires à l’encontre de la Chine. Dominic Raab, le ministre britannique des affaires étrangères, a qualifié le traitement des Ouïghours par la Chine de “plus grande détention de masse d’un groupe ethnique et religieux depuis la Seconde Guerre mondiale”. Le Royaume-Uni a inscrit les quatre mêmes responsables chinois sur sa liste de sanctions que l’UE.

Les États-Unis ont fait de même. Washington a désigné Wang Junzheng et Chen Mingguo pour des sanctions. “Ces personnes sont désignées en vertu du décret 13818, qui s’appuie sur la loi Magnitsky sur la responsabilité en matière de droits de l’homme et la met en œuvre, et cible les auteurs de graves violations des droits de l’homme et de corruption”, a déclaré le département du Trésor américain dans un communiqué. “Au milieu d’une condamnation internationale croissante, [la Chine] continue de commettre un génocide et des crimes contre l’humanité au Xinjiang”, a déclaré le secrétaire d’État américain Antony Blinken en des termes sévères. Il a exhorté à mettre fin “à la répression des Ouïghours” et “des membres d’autres groupes ethniques et religieux minoritaires au Xinjiang, notamment en libérant toutes les personnes détenues arbitrairement dans des camps d’internement et des centres de détention.”

Contre-mesures

Pékin a immédiatement réagi et s’est emporté. La Chine a interdit l’accès à dix personnes de l’UE, dont plusieurs membres du Parlement européen et de parlements nationaux. Des institutions entières ont également été visées.

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Manifestation à Hong Kong contre le traitement des Ouïghours (photo : Shutterstock)

Un communiqué du ministère des affaires étrangères indique : “La partie chinoise décide de sanctionner les dix personnes et quatre entités suivantes du côté de l’UE qui portent gravement atteinte à la souveraineté et aux intérêts de la Chine et diffusent malicieusement des mensonges et de la désinformation” : Reinhard Bütikofer, Michael Gahler, Raphaël Glucksmann, Ilhan Kyuchyuk et Miriam Lexmann du Parlement européen, Sjoerd Wiemer Sjoerdsma du Parlement néerlandais, Samuel Cogolati du Parlement fédéral belge, Dovile Sakaliene du Seimas de la République de Lituanie, l’universitaire allemand Adrian Zenz, l’universitaire suédois Björn Jerdén, le Comité politique et de sécurité du Conseil de l’Union européenne, la sous-commission des droits de l’homme du Parlement européen, le Mercator Institute for China Studies en Allemagne et la Fondation Alliance of Democracies au Danemark. ” La déclaration ajoute que ” Les personnes concernées et leurs familles sont interdites d’entrée en Chine continentale, à Hong Kong et à Macao. Elles, ainsi que les entreprises et institutions qui leur sont associées, sont également interdites de faire des affaires avec la Chine.”

Un accord d’investissement remis en question

Par le passé, l’UE n’adoptait des sanctions contre des pays entiers que lorsqu’il existait une recommandation du Conseil de sécurité des Nations unies en ce sens. Récemment, l’UE a préféré une approche plus ciblée. Reste à savoir ce que la nouvelle position ferme contre les violations des droits de l’homme par le régime chinois signifiera pour l’accord global d’investissement UE-Chine (CAI) récemment conclu. Cet accord visait à ouvrir davantage la Chine aux investissements de l’UE et a également introduit certaines mesures destinées à protéger contre le travail forcé et l’exploitation.

En outre, nombreux sont ceux qui, au sein de l’UE, souhaitent adopter une position plus conciliante à l’égard de la Chine, notamment en vue d’obtenir des vaccins contre la pandémie de Covid-19. Toutefois, la réaction sévère de Pékin aux mesures concertées prises par l’Occident à l’encontre des responsables chinois aura probablement durci l’ambiance au sein du Parlement européen, qui devra ratifier la CAI.

Inmaculada Rodríguez-Piñero, députée espagnole du groupe socialiste au Parlement, a déclaré : “L’Europe doit commercer avec la Chine, mais nos valeurs et nos normes passent avant tout. Nous sommes fidèles à nos principes et nous les défendrons. Pour obtenir notre soutien à l’accord d’investissement, la Chine devra présenter une feuille de route claire sur la mise en œuvre des conventions de l’Organisation internationale du travail contre le travail forcé et sur l’amélioration de la situation des droits de l’homme dans le pays. La Chine doit montrer des signes de changement dans la situation des droits de l’homme et s’engager sur une feuille de route de changements.”

Auteurs: Hélorie Duval et Michael Thaidigsmann